Cancel culture et perfection militante: militantisme en danger ?
- MamzelleOups
- Localisation : Au pays des korrigans et de l'Ankou...
Je ne suis pas particulièrement militante, mais j'ai du mal avec l'idée de cancel culture. J'ai l'impression que dans beaucoup de cas, c'est jouer au plus c**, de ne pas laisser de droit à l'erreur et que ça s'apparente à une censure. Que tu ne sois pas d'accord et arrête de regarder/suiivre/lire/etc. la personne ok, mais pas au point de juger tous ceux qui ne la cancellent pas. Et effectivement, je suis d'accord avec toi @Merlu, ça s'apparente à une violence supplémentaire à mon sens. je trouve que c'est déplacer l'injustice. MAIS je suis loin d'être spécialiste du sujet (juste lu et entendu parler de ce sujet dans quelques articles ou podcasts) et ce n'est que mon avis.
Mon profil Vinted (surtout des vêtements bébé et des romans). Dites-moi si vous êtes une belette 

@Merlu Si je me souviens bien ce n’est pas la première fois que tu poses cette question. Il est fort probable que tu n’obtiennes jamais une réponse capable de te satisfaire.
Ce n’est pas un phénomène lié au militantisme récent mais qu’on retrouve dans beaucoup de mouvement à presque toutes les époques (et qui touche aussi les militants d'extrême droite).
Les militants d'extrême gauche (dont je connais bien mieux le contexte) se déchirent quasiment depuis qu’elle existe (par exemple le cas de Paul Nizan en France ou la fracture de la première internationale des travailleurs avec l’exclusion du courant de Bakounine 6 ans seulement après sa fondation...) sans pour autant avoir disparu.
La cancel culture (principalement centrée sur les réseau sociaux) est la variante actuelle de pratiques qui existent depuis longtemps, comme avec les variantes d’autocritique qu’on trouve dans les sphères communistes traditionnelles (Boris Elstine a été cancellé en 1987-1988) aussi bien que maoïste (même si tous les groupes n'ont pas la possibilité de continuer leur activité après la purge de dizaines de milliers de militants comme le PCC...).
Ce n’est pas un phénomène lié au militantisme récent mais qu’on retrouve dans beaucoup de mouvement à presque toutes les époques (et qui touche aussi les militants d'extrême droite).
Les militants d'extrême gauche (dont je connais bien mieux le contexte) se déchirent quasiment depuis qu’elle existe (par exemple le cas de Paul Nizan en France ou la fracture de la première internationale des travailleurs avec l’exclusion du courant de Bakounine 6 ans seulement après sa fondation...) sans pour autant avoir disparu.
La cancel culture (principalement centrée sur les réseau sociaux) est la variante actuelle de pratiques qui existent depuis longtemps, comme avec les variantes d’autocritique qu’on trouve dans les sphères communistes traditionnelles (Boris Elstine a été cancellé en 1987-1988) aussi bien que maoïste (même si tous les groupes n'ont pas la possibilité de continuer leur activité après la purge de dizaines de milliers de militants comme le PCC...).
@Merlu Mon avis est donc qu'il y a des cycles et des dynamiques avec parfois de périodes où tout le monde se divise sur le moindre sujet et d'autre ou les groupes arrivent à s’unir et produire des projets ensemble : par exemple : Front populaire, programme du Conseil National de la Résistance décliné en préambule de la constitution de 1948, programme commun de la gauche...
Avec le temps on a tendance à se remémorer d'avantage les succès que les divisions.
Après ce qui te marque, c'est peut être que ces mécanismes deviennent visibles (surtout depuis la généralisation d'internet) dans des milieux où on ne les constataient pas forcément publiquement (si je me souviens bien tu t'intéresses entre autre aux sujets LGBT+).
Avec le temps on a tendance à se remémorer d'avantage les succès que les divisions.
Après ce qui te marque, c'est peut être que ces mécanismes deviennent visibles (surtout depuis la généralisation d'internet) dans des milieux où on ne les constataient pas forcément publiquement (si je me souviens bien tu t'intéresses entre autre aux sujets LGBT+).
- Myrmeleo
- Pronoms : Il/Iel + mascu
Le terme m'évoque immédiatement des cas comme Rowling, mais je suppose que vous parlez de situations moins évidentes entre personnes du même groupe d'oppression ou du moins luttant pour la même cause.
Pour ma part je suis plutôt branché "comprendre comment ça marche, pourquoi c'est là" avant de se demander si c'est un comportement souhaitable ou non.
En l'occurence, pour moi la psychologie sociale aide pas mal ici : on sait que toute personne au sein d'un groupe se fait plus ou moins inconsciemment garant des normes de ce groupe car elles constituent son identité. C'est vrai pour n'importe quoi, tout groupe a ses habitudes et ses règles implicites.
Faire partie de groupes est un enjeu d'équilibre psychologique pour tout le monde étant donné que le sentiment d'avoir du lien social avec autrui fait partie des besoins fondamentaux des humains. Les plus grandes menaces pour l'identité d'un groupe ne sont pas les personnes extérieures mais celles qui en sont membres et ne respectent pas assez ses normes. C'est pourquoi les virulences les plus grandes sont dirigées contre elles car elles sont perçues comme mettant à mal la sécurité de l'ensemble du groupe.
Beaucoup de personnes dans les milieux militants me semblent particulièrement sensibles à ce processus. Il n'est pas rare d'y cotoyer des gens avec un vécu social passé et/ou présent très fragile : isolement, traumas, relations abusives, image de soi très mauvaise... On a souvent du mal à se l'avouer quand on est dans ce cas, mais le militantisme est un moyen de répondre à des besoins sociaux pauvrement assouvis, autrement dit d'avoir une ou plusieurs communautés, discuter ou se faire des ami-es. Alors quand votre principale source de lien social est sujette à une instabilité venue d'un-e de ses membres, vous risquez d'être fortement tenté-e de l'expulser presto pour assurer la sécurité identitaire du groupe.
Alors est-ce une bonne chose ? Probablement pas et pour personne. Les gens éjectés risquent de sortir purement et simplement de la lutte voire de s'obstiner dans une erreur par blessure, sans parler des conséquences pour leur santé mentale. Les gens éjecteurs cultivent leurs propres démons et préparent leur psychisme à craindre encore plus les prochaines menaces, c'est sans fin et ça ne leur apportera jamais la paix à laquelle iels aspirent. Enfin les personnes extérieures à tout ça perçoivent le groupe comme violent et inconstant, les décourageant potentiellement de le rejoindre et portant moins d'attention à leurs discours.
Pour moi, tout ça se questionnerait autrement si on s'avouait plus de choses (et qu'on injectait un peu de psycho). Qu'on reconnaisse quand on a envie d'être d'accord avec les autres parce qu'on a peur de se faire exclure, qu'on vient faire du boulot aussi voire d'abord parce que ça nous fait de la vie sociale, qu'on ressent de la jalousie pour telle personne qui a du succès... En gros qu'on reconnaisse vraiment que les militant-es sont des humain-es avec des émotions et que c'est une responsabilité collective d'en prendre soin. Alors on pourra faire sainement le tri entre ce qu'on veut garder ou non dans un groupe, sans céder à des mécanismes qui nous dépassent.
Pour ma part je suis plutôt branché "comprendre comment ça marche, pourquoi c'est là" avant de se demander si c'est un comportement souhaitable ou non.
En l'occurence, pour moi la psychologie sociale aide pas mal ici : on sait que toute personne au sein d'un groupe se fait plus ou moins inconsciemment garant des normes de ce groupe car elles constituent son identité. C'est vrai pour n'importe quoi, tout groupe a ses habitudes et ses règles implicites.
Faire partie de groupes est un enjeu d'équilibre psychologique pour tout le monde étant donné que le sentiment d'avoir du lien social avec autrui fait partie des besoins fondamentaux des humains. Les plus grandes menaces pour l'identité d'un groupe ne sont pas les personnes extérieures mais celles qui en sont membres et ne respectent pas assez ses normes. C'est pourquoi les virulences les plus grandes sont dirigées contre elles car elles sont perçues comme mettant à mal la sécurité de l'ensemble du groupe.
Beaucoup de personnes dans les milieux militants me semblent particulièrement sensibles à ce processus. Il n'est pas rare d'y cotoyer des gens avec un vécu social passé et/ou présent très fragile : isolement, traumas, relations abusives, image de soi très mauvaise... On a souvent du mal à se l'avouer quand on est dans ce cas, mais le militantisme est un moyen de répondre à des besoins sociaux pauvrement assouvis, autrement dit d'avoir une ou plusieurs communautés, discuter ou se faire des ami-es. Alors quand votre principale source de lien social est sujette à une instabilité venue d'un-e de ses membres, vous risquez d'être fortement tenté-e de l'expulser presto pour assurer la sécurité identitaire du groupe.
Alors est-ce une bonne chose ? Probablement pas et pour personne. Les gens éjectés risquent de sortir purement et simplement de la lutte voire de s'obstiner dans une erreur par blessure, sans parler des conséquences pour leur santé mentale. Les gens éjecteurs cultivent leurs propres démons et préparent leur psychisme à craindre encore plus les prochaines menaces, c'est sans fin et ça ne leur apportera jamais la paix à laquelle iels aspirent. Enfin les personnes extérieures à tout ça perçoivent le groupe comme violent et inconstant, les décourageant potentiellement de le rejoindre et portant moins d'attention à leurs discours.
Pour moi, tout ça se questionnerait autrement si on s'avouait plus de choses (et qu'on injectait un peu de psycho). Qu'on reconnaisse quand on a envie d'être d'accord avec les autres parce qu'on a peur de se faire exclure, qu'on vient faire du boulot aussi voire d'abord parce que ça nous fait de la vie sociale, qu'on ressent de la jalousie pour telle personne qui a du succès... En gros qu'on reconnaisse vraiment que les militant-es sont des humain-es avec des émotions et que c'est une responsabilité collective d'en prendre soin. Alors on pourra faire sainement le tri entre ce qu'on veut garder ou non dans un groupe, sans céder à des mécanismes qui nous dépassent.
Hello ! Je suis un peu mitigée sur la question de cancel culture, d'une part parce que j'ai l'impression que celle décriée publiquement dans les médias (qui viserait les "privilégiés") n'a pas vraiment d'impact (JK Rowling reste une méga star, les principaux visés par la ligue du lol ont gardé leur emploi)... Et de l'autre parce que j'ai vu de mes propres yeux combien elle a pu faire de mal à des anonymes victimes de cette pureté militante.
J'ai un gros passif dans les milieux militants féministe, que j'ai décidé de fuir après avoir moi-même été visée par une vague de harcèlement contre moi de personnes de mon groupe, parce que effectivement j'avais tenu des propos problématiques (sans m'en être rendu compte, c'était pas du troll). J'étais fautive, mais on parle de propos dont je me suis immédiatement excusée dès que quelqu'un m'a expliqué pourquoi je n'aurais pas dû dire ça. Ça faisait des années que je trainais dans ce milieu, et j'avais vu des personnes subir ce que j'ai subi, je trouvais ça normal... Jusqu'à ce que je me rende compte quand ça m'est arrivé que c'était la raison pour laquelle j'étais si inquiète de m'exprimer publiquement au sujet du féminisme . Je vivais dans la peur de dire un truc de travers, donc je ne disais plus rien. C'est con, mais le féminisme qui vise à ce que les non-cismecs aient plus la parole est le même féminisme qui m'a poussé à ne plus oser m'exprimer avec mes pairs :lol:
Long story short, je me suis retirée des milieux assez rapidement après cette histoire et je me sens beaucoup plus sereine aujourd'hui. Je pense effectivement que le concept de pureté militante est un vrai problème, ceci étant dit, j'entends de plus en plus de voix s'élever contre donc je suppose qu'il y a une progression.
J'ai un gros passif dans les milieux militants féministe, que j'ai décidé de fuir après avoir moi-même été visée par une vague de harcèlement contre moi de personnes de mon groupe, parce que effectivement j'avais tenu des propos problématiques (sans m'en être rendu compte, c'était pas du troll). J'étais fautive, mais on parle de propos dont je me suis immédiatement excusée dès que quelqu'un m'a expliqué pourquoi je n'aurais pas dû dire ça. Ça faisait des années que je trainais dans ce milieu, et j'avais vu des personnes subir ce que j'ai subi, je trouvais ça normal... Jusqu'à ce que je me rende compte quand ça m'est arrivé que c'était la raison pour laquelle j'étais si inquiète de m'exprimer publiquement au sujet du féminisme . Je vivais dans la peur de dire un truc de travers, donc je ne disais plus rien. C'est con, mais le féminisme qui vise à ce que les non-cismecs aient plus la parole est le même féminisme qui m'a poussé à ne plus oser m'exprimer avec mes pairs :lol:
Long story short, je me suis retirée des milieux assez rapidement après cette histoire et je me sens beaucoup plus sereine aujourd'hui. Je pense effectivement que le concept de pureté militante est un vrai problème, ceci étant dit, j'entends de plus en plus de voix s'élever contre donc je suppose qu'il y a une progression.