Bonjour
Je viens m'épancher sur cette question compliquée qui me taraude tous les jours depuis quelques mois et à laquelle je trouve pas de réponse.
Pour résumer : Je n'ai jamais voulu d'enfant. Je n'ai jamais éprouvé d'intérêt pour eux, pour la parentalité, je ne me suis jamais sentie capable d'être mère, tout ça était très clair dans ma tête. J'ai été en couple pendant 15 ans avec quelqu'un de merveilleux mais à aucun moment je n'ai envisagé d'avoir un enfant avec lui, ça ne m'intéressait pas. Puis on s'est séparé et j'ai rencontré mon copain, qui est déjà père. Sa fille avait trois ans quand je l'ai rencontrée.
Et ça a fait EXPLOSER mon cerveau.
Je me souviens qu'à notre rencontre je lui avais dit que je ne voulais pas d'enfant, que je serais une mère nulle et dépassée par tout le quotidien et il me disait des trucs comme "Moi au contraire, je suis sur que tu serais géniale" On a beaucoup et souvent parlé de ce que représentait la parentalité pour lui, de ce que c'était en vrai versus ce qu'on imagine. Il a fini par me dire qu'il ne se voyait pas avoir d'autre enfant, parce que toute son énergie était déjà tournée vers sa fille, et qu'il était très heureux de vivre ça mais que c'était quand même un investissement émotionnel énorme.
Et puis j'ai rencontré sa fille, j'ai découvert mon copain en papa et je les ai trouvé ben... adorables ? Cette relation de confiance qu'ils ont, tout l'amour partagé l'un pour l'autre, et les rires et le quotidien, j'ai découvert qu'avoir un enfant ça pouvait AUSSI être marrant (pour moi c'était forcément juste épuisant, angoissant et frustrant) et qu'un père pouvait AUSSI être génial, pas juste démissionnaire et lâche (j'ai pas une très haute opinion des hommes oui) Il s'occupe super bien d'elle, ils ont une relation très honnête et ils parlent beaucoup, lorsqu'on est à trois il gère absolument tout le quotidien de son enfant pour ne pas me faire peser sa présence.
En fin d'année dernière je suis tombée enceinte accidentellement et j'ai avorté. On était tous les deux d'accord, c'était la seule chose à faire (on vit à distance, une semaine sur deux il a la garde de sa fille et l'autre semaine il vit chez moi à 800km d'elle) Mais ça a été très dur quand j'ai réalisé que j'avais peut être envie d'un enfant, pas celui là tout de suite, mais plus tard, peut être ? Donc on a eu quelques semaines douloureuses, le temps que je lui avoue cette envie. Puis la logistique de l'avortement a été très complexe car je voulais qu'il soit présent et je voulais le faire par aspiration mais la date annoncée de l'intervention tombait sur sa semaine de garde... Il a pu être présent le jour J mais a du repartir le soir même pour s'occuper de sa fille et j'ai passé la nuit dans les bras de ma meilleure pote parce que je n'avais pas le droit d'être seule. Et j'ai réalisé que c'était le début des emmerdes si on avait un enfant dans nos conditions de vie : je serais souvent seule. Or, je veux pas un enfant seule, j'en veux un avec lui.
Bref, on continue à parler de tout ça, la question est ouverte entre nous. Lui aussi pensait ne pas vouloir d'autre enfant mais en fait, pourquoi pas ? L'autre jour chez des amis qui nous ont posé la question, il leur a répondu en me serrant la main "On y réfléchit" et ça m'a fait exploser le coeur de joie. Ça me bouleverse parce que vraiment, il y a deux ans, cette question était inenvisageable pour moi.
Quand je la creuse pourtant, je me demande si cette envie d'enfant n'intervient pas uniquement parce qu'il en a déjà un. Peut être qu'au fond, je ne veux qu'un statu quo et sentir que notre relation est aussi légitime que celle qu'il a pu avoir avec son ex. Lorsqu'on est tous les trois avec sa fille, je sens bien qu'ils font famille et que je suis en dehors, c'est douloureux. C'est aussi douloureux de savoir qu'on ne peut pas vivre ensemble à temps plein parce qu'il est père, que sa fille passera souvent en premier. Il est la personne la plus importante de ma vie, mais je ne suis pas vraiment la personne la plus importante de la sienne...
Dans les choses qui ne m'ont jamais donnée envie d'avoir un enfant, il y avait l'idée de subir des contraintes. Sauf qu'à présent je subis les contraintes d'un enfant sans en être la mère, alors du coup pourquoi ne pas oser en faire un qui serait à moi et réellement choisir ce qui m'arrive ? Mais je doute que ce soit une très bonne raison.
Si je me projette dans ce désir je me rends compte que beaucoup de choses quotidiennes devront changer : Il faudra que je quitte mon travail et l'endroit où je vis pour le rejoindre, ce sera à moi de bouleverser ma vie pour qu'on puisse vivre ensemble puisqu'il ne peut pas s'éloigner de sa fille. Est-ce que ça n'est pas un trop grand sacrifice pour un désir de maternité qui n'est pas viscéral ? Aussi, si j'imagine juste un avenir dans lequel on pourrait vivre ensemble H24, ce serait quand même à moi de déménager pour vivre avec sa fille une semaine sur deux. Est-ce que j'ai envie de cette vie là ? D'être belle mère à mi temps et jamais mère tout le temps ? Est-ce que je ne suis pas simplement en colère de devoir faire des choix qui me feront sacrifier mon confort quotidien parce que lui ne peut pas le faire et est-ce que cette envie d'enfant n'est pas là que pour justifier ma soumission à la vie de mon mec ? (soumission dans le sens où c'est à moi de bouleverser mon quotidien et pas à lui, parce qu'il a un enfant et que les gosses sont la grande cause nationale inattaquable, c'est aux autres d'adapter le monde autour d'eux)
Bref, voilà où j'en suis. Je suis souvent en colère contre cette envie. Je voudrais ne pas en vouloir, que ce soit clair comme ça l'a toujours été. Parfois je voudrais même qu'il n'ait pas eu d'enfant, comme ça je ne saurais pas à quel point il est super avec la sienne et je pourrais m'imaginer plein de désastres qui dégoutent de tenter l'aventure. S'il n'en avait pas je n'aurais jamais su que ça pouvait être drole, doux, touchant et absurde comme c'est parfois épuisant, violent et ingrat et on aurait pu inventer toutes les vies qu'on aurait voulu parce qu'on aurait été sans contraintes. Là j'ai aussi l'impression de me manger la tête en réfléchissant à des demi-choix d'avenir qui prennent toujours en compte l'existence d'un enfant qui n'est pas à moi, et c'est nul d'être insatisfait par quelque chose dont on est pas responsable. Parfois je me dis "Si on avait un enfant ensemble, je me poserais exactement les mêmes questions, on aurait les mêmes problématiques mais je me sentirais légitime d'avoir un avis. Je comprendrais ce qu'il vit, je serais actrice de mon quoditien au lieu d'avoir l'impression de subir le sien, je serais moins frustrée d'être en dehors d'une partie de sa vie." Mais c'est débile non ? On ne fait pas d'enfant pour ces raisons là ?
Bref voilà je ne sais pas. J'ai 34 ans donc pas trois siècles pour me poser la question et en vrai, je déteste me la poser.
Dans le passé j'ai eu une relation complètement déséquilibrée avec mon ex dans laquelle ses émotions, ses idées sur la vie, son épanouissement, comptaient beaucoup plus que les miens et en le quittant je me suis jurée PLUS JAMAIS ÇA, que je me ferai toujours passer devant (en communiquant avec l'autre, toi même tu sais, je vais pas devenir un monstre d'égoisme) Mais je me suis vraiment dit qu'il fallait que je fasse respecter mes choix sauf que je me retrouve dans une situation où les choix que je croyais inébranlables ("je veux pas d'enfant") sont bouleversés et ça me rend ouf parce qu'ils sont bouleversés par la vie de quelqu'un. Peut être que je devrais accepter qu'on est poreux, qu'on peut changer au contact de l'autre sans que ce soit la preuve d'une manipulation ou d'un sacrifice, mais j'ai vraiment du mal avec cette idée. Je voudrais que mon identité ne dépende que de moi mais qui est réellement capable de dire ça de lui ? J'ai aussi l'impression de mentir lorsque je me dis que j'ai envie d'un enfant par jalousie, parce qu'il en déjà un. Si c'était vraiment que de la jalousie je ne serais pas émue comme ça de le voir père. J'arrive sincèrement à imaginer un chouette quotidien à trois, à quatre avec sa fille, à cinq avec mon chat, un truc marrant où on inventerait une vie qui nous ressemble, et ça, ça me fait pas peur du tout. Mais je bloque totalement sur les raisons qui me poussent à avoir envie de ça. Je pourrais très bien vivre sans avoir de gosses et sans le regretter, comme on peut vivre heureux toute une vie sans oser essayer des émotions trop fortes, mais est-ce qu'en cherchant à me préserver je ne me sous-estime pas un peu ?
Je lis/entends souvent "Pour faire un enfant il faut vraiment en avoir envie de façon folle, se dire qu'on ne pourrait pas vivre sans en avoir, parce que la confrontation à la réalité est trop dure" et bon, je veux bien, ça règlerait mon problème. Mais je suis athée, je crois en rien, surtout pas au mystique désir biologique qui surpasse tout. Je vois pas en quoi la maternité serait une confrontation plus profonde à la vie que la classe sociale dans laquelle on nait par exemple. Tout est dur dans le fait de simplement vivre, est ce que vraiment devenir parent est encore plus difficile au delà de ce que j'imagine ? Est ce qu'on découvre un monde seulement connu de ceux qui sont déjà parents ? Est ce que vraiment, si je n'écoute que mon coeur, je vais regretter parce qu'il ne faut absolument pas écouter que son coeur ? Parce que mon coeur est assez clair pour affirmer qu'avoir "un peu envie un jour" ça veut juste dire "j'ai envie d'avoir un enfant" mais poliment. Ce qui me fout le doute, c'est les raisons de cette envie.
Désolé pour cet immense pavé mais ça m'a fait du bien de l'écrire.