Qu'est-ce que le genre ?

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Merlu
Localisation : Devant ton nez
Pronoms : il

Je sais pas du tout où mettre ça.

Comment définir le genre ? Comment définiriez-vous le vôtre ? Qu'est-ce qui fait que vous vous sentez appartenir à ce genre et pas à un autre ?

Ce topic est là pour en discuter.
Si ton tonton tond un chasseur sachant chasser sans son chien, les chaussettes de l'archiduchesse se dépetibotdebeurreriseront.
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Significant Otter
Pronoms : iel/il

Je pense qu'il y a deux choses importantes à distinguer, bien qu'elles se recoupent, quand on parle du genre : le cheminement personnel de chaque personne pour arriver à mettre des mots sur son genre et à le vivre comme bon lui semble, et une conception sociale et politique du genre. La première concerne les personnes trans, évidemment, qui sont forcément à un moment de leur vie confrontées (souvent douloureusement, mais c'est aussi souvent source de joie et d'épanouissement si on arrive à vivre sa vie dans le genre qui est le nôtre) à ça d'une façon ou d'une autre, mais je pense que même les personnes cis doivent, à un moment ou à un autre, se questionner sur leur positionnement face aux normes genrées qu'on leur renvoie pour construire leur identité. Les hommes émotifs auxquels on dit de ne pas pleurer, les femmes qui ont de l'ambition et à qui on dit d'être en retrait... Je suis familier du premier questionnement mais pas vraiment du deuxième, donc ça m'intéresse de lire les témoignages de ceux qui l'ont vécu ! Mais peut-être que je me trompe et que ce n'est pas du tout aussi commun que je le pense pour les personnes cis...

La deuxième chose, c'est le genre "social"/"politique". Comme dit plus haut ça se rejoint avec le genre ressenti personnellement, puisque transitionner, pour une personne trans, n'est pas seulement une façon d'être personnellement en accord avec le genre ressenti, mais change son positionnement social, peu importe le "niveau" de transition (changer ses pronoms, ça indique déjà clairement qu'on n'est pas de son genre assigné et ça change les interactions qu'on a avec vous). Pareil, résister ou se conformer à des normes genrées en fonction de sa personnalité, ça a des conséquences sur son positionnement social : un homme qui affirme son émotivité, qui prend en charge la charge mentale de son couple au moins à 50%, qui pose des jours enfant malade sans qu'on lui mette le couteau sous la gorge, ça signifie déjà, autour de lui, qu'il est en subversion des codes.

Mais bon, tout ça ne répond pas directement à la question "qu'est-ce que le genre". Là, j'ai juste établi que c'était "quelque part" dans l'intersection de l'intime et du social, et que l'intersection était quand même assez large.

La société (occidentale) reconnaît officiellement deux genre : les hommes et les femmes, que l'on reconnaît sans comme tels sans même y penser selon des  caractéristiques extérieures aussi variées que : la taille, la coupe de cheveux, la forme de la mâchoire, les vêtements, la taille des mains, la forme du front, la pilosité, la démarche, et tout un tas d'autres choses. La plupart du temps, quand vous croisez quelqu'un dans la rue, un coup d'oeil sur une personne, de dos avec un manteau large et un bonnet vous permet de la classer (à tort ou à raison) comme homme ou femme. Et la plupart du temps, magie, on a raison.
Il faut cependant pointer du doigt que ces caractéristiques sont, pour la plupart, liées à des caractéristiques sexuelles secondaires (qui sont plus ou moins facilement modifiables par traitement hormonal/transition chirurgicale) ou à des choses tout à fait modifiables comme les vêtements ou la posture. Donc parmi les gens qu'on "genre" correctement d'instinct, il y a aussi des personnes trans.
Ce processus de genrage, et c'est particulièrement perceptible pour les personnes trans, bien qu'il soit éminament sociétal, est aussi très, très aléatoire. Nombre de personnes trans (moi compris) ont connu ces jours chelous où, sur trois interactions dans la journée, on a un "monsieur", un "madame" et un "regard bizarre je ne sais pas comment te placer", alors qu'on n'a absolument rien changé entre ces trois interactions.
Basés sur ces données, l'interaction qu'on va avoir avec ces personnes va changer. Si on est perçu-e comme femme, on nous tiendra la porte d'entrée par galanterie/on nous fera des commentaires sur notre physique/on nous dira de sourire plus. Si on est perçu-e comme homme, on s'attendra à ce que ce soit nous qui payions au restaurant, on nous serrera la main plutôt que de nous faire la bise, on trouvera bizarre/dangereux de nous voir dans les toilettes des femmes. Si on est difficilement classable entre les deux, ou si nos vêtements ne sont pas en accord avec nos caractéristiques physiques (particulièrement pour les personnes avec un air "masculin" habillées/se tenant de façon "féminine"), on s'exposera à des violences.
On peut avoir l'impression avec tout ça que je fais une distinction entre les personnes trans "qui passent" (et qui du coup n'auraient pas de soucis puisqu'identifiées à leur genre réel), les personnes trans "en cours de transition" ou "avec un mauvais passing" (et qui du coup sont dans cet entre-deux violent que je décris plus haut); et les personnes qui n'ont pas encore/ne veulent pas transitionner et qui du coup sont tranquilou dans leur genre assigné. Pour les premières et les deuxièmes je vous renvoie deux paragraphes plus haut : même avec un passing au top et 10 ans d'hormonothérapie, on peut encore avoir des jours "sans" où on se fait mégenrer, on ne sait pas pourquoi, et inversement même en étant hyper androgyne on peut être pris sans hésiter pour un homme/une femme. Pour les dernières, je vous renvoie à ce que je disais sur le genre "intime" : si on n'est pas perçu comme notre genre ressenti, ça peut créer un malêtre qui peut être dévastateur et se répercuter (sans qu'on sache forcément que ça vient de là) sur nos relations aux autres. Ca a donc aussi un impact sur notre genre social, même si c'est moins "évident".
Enfin, tout ça concernait essentiellement les interactions immédiates avec des inconnus, qui arrivent souvent mais ne sont pas les seuls lieux d'expérience du genre dans la vie de tous les jours. Dans les interactions suivies avec nos familles/amis/proches/collègues, plus de critères sont généralement pris en compte et il y a une possibilité plus importante (s'il y a un peu de bonne volonté...) de vivre socialement son genre ressenti. Par exemple, on peut demander, même sans transition médicale, à ce qu'on parle de soi avec d'autres pronoms, on peut dire "je ne suis pas une femme/un homme, mais un homme/une femme/nonbinaire". Sans forcément générer automatiquement les réponses appropriées (ah ok je te traiterai donc sans avoir besoin d'y penser comme un homme/une femme/une personne nonbinaire) (on aimerait bien hein :lol: ), ça va changer l'attitude des gens par rapport à son genre. Faut être honnête, souvent ça commence (au moins) par une atmosphère un peu malaisante de "je sais plus comment interagir avec toi". Dans mon cas, je suis out à mon boulot et ça s'est globalement très bien passé (alors que j'étais arrivé enceint de huit mois lol, j'ai fait mon CO pendant mon congé "maternité"), tout le monde utilise à présent mon nom choisi, dit "il" pour parler de moi. Par contre, il y a des choses qui restent un peu "en suspend" : souvent mon collègue homme (le seul du bureau) se réfère à lui-même comme au seul homme du bureau (ce qui est inexact vu que je suis juste à côté :lol: ), quand il n'est pas là, et qu'une personne entre dans le bureau, c'est souvent "bonjour mesdames!" avec parfois le rattapage quelques secondes après "et monsieur..."
Tout ça pour dire que le genre social comme "assignation d'une personne à son rôle social" est en fait hyper compliquée. Et j'ai parlé essentiellement de comment ça se répercutait sur les personnes trans car c'est ce que je connais (en partie, je ne suis qu'une personne trans avec sa perception du truc), mais il y a sans doutes beaucoup à dire sur l'évolution du rôle social d'une femme (cis ou non) à partir du moment où elle se déclare féministe, ou d'un homme quand il se détache du script de la masculinité toxique.

Pour ce qui est de la perception intime du genre, elle peut être très liée à ces rôles sociaux. En effet, pour beaucoup de personnes trans, se rendre compte qu'on n'est pas cis c'est se rendre compte qu'on est mal à l'aise dans notre rôle social et que nous voudrions plutôt être lu-es comme un autre genre (l'autre genre binaire ou autre part dans le spectre). Ca ne veut pas dire "je suis un homme parce que je jouais aux petites voitures quand j'étais petits" ou "je suis un homme parce que la société est sexiste et donc le genre féminin est douloureux à vivre pour cette raison". C'est souvent quelque chose de beaucoup plus intense et personnel : "je suis un homme parce que quand on dit "les mecs" et que ça m'inclue, je me sens enfin moi". "Quand je mets une robe et que c'est normal pour tout le monde autour de moi, je ressens une joie profonde sans savoir pourquoi". "J'ai toujours été mal à l'aise à l'école quand on divisait les filles des garçons, je ne savais jamais trop où aller". Ca peut être aussi des choses plus difficilement identifiables comme dysphorie de genre : "je ne me suis jamais reconnu dans le miroir", "j'ai toujours été renfermé sur moi-même et mal à l'aise avec les autres sans pouvoir expliquer pourquoi", "me couper les cheveux a été une véritable libération".

Je voudrais aussi parler de la relation entre genre et biologie mais j'ai peur de dire des bêtises, donc je vais d'abord relire les très bons chapitre écrits à ce sujet par Julia Serano, une des fondatrices du transféminisme contemporain, qui est aussi biologiste.
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Arya_13

@Significant Otter Super intéressant tout ce que tu dis !
De mon côté pour te répondre en tant que femme cis:
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Significant Otter
Pronoms : iel/il

@Zébule Je ne sais pas de quels genres « nouveaux » tu parles (les xénogenres (=qui s’attachent à des concepts en-dehors du genre pour se définir)? Des genres un peu obscurs mais toujours liés au concept de genre binaire ?

Si ça peut t’éclairer, je me suis successivement identifié comme :
- demigirl (= je m’identifiais à la féminité mais pas au genre « femme », c’était lié non pas à mon expression de genre mais à des choses plus profondes, comme le fait que je n’étais pas une femme mais je m’identifiais quand même comme « lesbienne »)
- neutrois (= mon genre est en-dehors de la binarité, mais contrairement à une personne agenre, je me positionne quand même sur l’échiquier du genre)
- maverique (= un terme qui correspondait plus à mon ressenti que neutrois car mon genre n’était pas « neutre » mais résolument en dehors du spectre binaire)
- maverique et juxera (en même temps ou alternativement) (juxera étant proche de demi-girl mais je préférais l’idée d’être sur un autre plan par rapport au féminin plutôt que d’être « à moitié » quelque chose)

Tu remarqueras que, si certains de ces changements sont dus à une modification de ma perception de mon genre, c’est aussi beaucoup une question de sémantiques qui a motivé mes changements d’étiquette, parce que je ressentais le besoin de définir précisément où je me situais par rapport à mon genre. Pour moi ça a toujours été des mots en lien plus ou moins étroit par rapport aux genres binaires (soit parce que je me rapprochais de l’un d’eux, soit au contraire parce que je m’éloignais des deux), mais je comprends aussi les gens qui ne trouvent que des métaphores pour parler de leurs genre (un genre en rapport avec les étoiles par exemple). C’est aussi un moyen de se détacher d’une binarité qui nous opprime.

À savoir aussi que souvent, ces identifications sont très peu utilisées en société (je ne me suis jamais présenté comme maverique-juxera à des inconnus, et la plupart des gens utilisent IPL des façons plus faciles a comprendre, parce que ben sinon au mieux on se fout de notre gueule quoi…)

A présent je me définis comme nonbi, mec trans non-binaire, personne trans masculine ou personne agenre, mais ça a beaucoup moins d’importance pour moi que ça a pu en avoir par le passé. Mais tous ces mots font partie de mon histoire et leur découverte a toujours été une révélation au moment où je me les suis appropriés. Pour rejoindre votre discussion sur genre et identité, mon genre est toujours un des fondements de mon identité, même si la façon de le nommer est moins importante. Me faire genrer au féminin est toujours douloureux, être assimilé à un homme est toujours légèrement bizarre ; ma nonbinarité est toujours au centre de mes interactions avec les autres meme avec ceux auprès de qui je ne suis pas out (ou seulement our comme mec trans). C’est un peu une vie de fildeferiste, de masculiniser au max mon apparence pour garantir d’avoir du « monsieur », tout en prenant garde à ne pas étouffer la part de moi qui ne voudra jamais être un mec…
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Clémentiine
Bébétincelle
Bébétincelle

Bonjour,
Une section "développement personnel" a été créée dans la salle de bain, pensez-vous que ce sujet y aurait sa place ? On peut le mettre n'importe où ailleurs si une autre place vous parait judicieuse...vous me dites !
Bonne journée  :happy:
« Ils sont où les semi-croustillants ? Ils sont souus la Bretagne ! »
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Portnawak

Je ne m'étais jamais posé la question du genre jusqu'à il y a quelques années surement parce que j'ai toujours été "à l'aise" dans celui qui m'a été assigné à la naissance, et lire les témoignages de personnes qui ne sont pas dans le même cas est très intéressant.
Coïncidence ce matin j'ai lu un post sur FB parlant du genre et du sexe biologique, écrit par un biologiste, que j'ai trouvé très intéressant. C'est en anglais désolée, mais si besoin je pourrais faire un résumé plus tard.
https://www.facebook.com/748536218/post ... sn=scwspmo
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